Rencontre avec Teddy Gérard, Reponsable Vignoble & Approvisionnement
Teddy, quel rôle joue l’hiver dans le cycle de la vigne et comment s’organise votre travail à cette période ?
« Au vignoble, l’hiver commence réellement avec la chute des feuilles, lorsque la vigne entre en dormance. Visuellement, tout paraît immobile, mais pour nous débute l’une des étapes les plus importantes de l’année : la taille. De novembre à début ou mi-mars, nos huit ouvriers permanents — un vrai atout pour la Maison — passent leurs journées dans les parcelles. Le geste reste le même, précis et répété, car c’est ce savoir-faire technique qui conditionnera la longévité du cep, le rendement et, en partie, la qualité des futurs raisins.
Notre philosophie est claire : pérenniser la vigne par une taille courte. Cela permet de maîtriser naturellement les rendements et d’obtenir des raisins d’une grande pureté ; signature des cuvées Philipponnat. L’hiver est aussi un temps d’observation, où l’on prépare silencieusement la campagne à venir. »
Quelles sont les conditions hivernales auxquelles vous devez vous adapter et comment influencent-elles vos décisions ?
« Le risque majeur aujourd’hui n’est plus la gelée hivernale extrême, telle que l’ont connue nos anciens, mais les gelées printanières. Avec le changement climatique, la vigne débourre plus tôt et devient plus vulnérable. Pour limiter cette sensibilité, nous adaptons la taille : les Chardonnay et les jeunes vignes, plus précoces, sont taillés plus tardivement afin de retarder leur réveil. Même en hiver, la vigne ne vit pas seule : la biodiversité des sols, les équilibres naturels, les variations de température influencent nos décisions. Cette saison demande de l’anticipation et une grande réactivité. Chaque intervention doit être juste, dans son tempo, fidèle à notre volonté de travailler avec la nature plutôt que de vouloir la maîtriser absolument. »
Le vignoble du Clos des Goisses demande-t-il des attentions spécifiques en hiver ?
« Oui, absolument. C’est un vignoble à part, unique en Champagne : jusqu’à 45° de pente, une exposition plein sud, un sol superficiel issu de la dégradation d’une craie blanche tendre… L’hiver, la taille y est encore plus déterminante, car elle conditionne l’équilibre futur de ce terroir extrême. Les raisins du Clos des Goisses sont toujours très mûrs et concentrés, les rendements naturellement faibles, et chaque geste doit maintenir cette harmonie précieuse. Le Clos des Goisses est aussi un formidable terrain d’expérimentation. Les conditions y sont plus chaudes que dans le reste de notre vignoble ; il nous permet donc d’anticiper les effets du changement climatique et d’adapter nos pratiques pour l’ensemble du vignoble Philipponnat. C’est un lieu où l’on apprend beaucoup, et où chaque hiver écrit déjà une nouvelle page du millésime à venir. »
